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ffff TÉLÉRAMA • François Chaplin

Le 3 novembre 2014

CHRONIQUE : NOCTURNES DE CHOPIN ffff TÉLÉRAMA
« L’ENREGISTREMENT DE FRANÇOIS CHAPLIN 
VA MARQUER LE BICENTENAIRE » ( Gilles Macassar)
Le 29 janvier 1849, le peintre Eugène Delacroix, passé en voisin chez Chopin, consigne dans son Journal les paroles du musicien : «Vous jouirez de votre talent, m’a-t-il dit, dans une sorte de sérénité qui est un privilège rare, et qui vaut bien la recherche fiévreuse de la réputation.»
Ces propos s’appliquent idéalement, aujourd’hui, au pianiste François Chaplin. Sagement et patiemment mûri, son jeu s’épanouit, la quarantaine venue, avec une autorité naturelle, une aisance libre et souveraine, qui sont le « privilège rare », en effet, de ceux qui savent attendre, se fortifier de leurs certitudes et de leurs exigences, sans se disperser ni se gaspiller dans les effets de mèche et de manches de la promotion médiatique.
Son enregistrement magistral des Nocturnes de Chopin domine le flot de nouveautés discographiques déclenché par cette année de bicentenaire, comme ces Nocturnes eux-mêmes surclassent toute la littérature pianistique engendrée, au début du XIXe siècle, par l’invention de l’Irlandais John Field, dépositaire officiel du label « nocturne ». « Comme les Mazurkas, les Nocturnes ne connaissent ni déchet ni traces de progrès, ce sont presque tous des chefs-d’oeuvre, depuis la vingtième année du compo siteur jusqu’à sa mort », assurait naguère le compositeur André Boucourechliev, dans son Regard (amoureux) sur Chopin (1).
S’affranchissant de l’ordre chronologique habituel, François Chaplin commence son intégrale par les deux volets de l’opus 48, de 1841, dédié à Laure Duperré (à l’exception de l’opus 15, adressé à son confrère Ferdinand Hiller, Chopin ne dédie sa vingtaine de nocturnes qu’à des figures féminines, élèves ou muses de salon). Il a raison. Solennels et majestueux comme une ouverture à la française, ces treizième et quatorzième nocturnes nous hissent d’emblée à un sommet. Plus de miniature (comme dans les trois premiers nocturnes de l’opus 9), mais un ample développement quasi symphonique. Plus d’alanguissement voluptueux sur des cantilènes à la Bellini (comme dans les romances de l’opus 15 ou de l’opus 27), mais l’âpre gravité d’un choral religieux.
André Gide, qui gardait les partitions de Chopin à son chevet, ne s’y trompait pas : « La première erreur des virtuoses vient de ce qu’ils cherchent surtout à faire valoir le romantisme de Chopin, tandis que ce qui me paraît le plus admirable chez lui, c’est la réduction au classicisme de cet indéniable apport romantique. » Par-delà les joliesses ornementales, les arabesques graciles, le piano de François Chaplin (un Yamaha minutieusement réglé, aux graves moelleux) magnifie ces vertus classiques d’équilibre et de clarté : fermeté palladienne de l’architecture, vaillance apollinienne du phrasé.
Au moment de publier ses Etudes, Debussy demandait à son éditeur d’y ajouter en exergue le nom de Frédéric Chopin, «cet admirable devineur ». C’est aussi en «devineur » que François Chaplin perce les secrets et les énigmes de ces Nocturnes racés. Mieux : en prince charmeur.
Gilles Macassar – Telerama n° 3142 – 03 avril 2010


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